N°3 - 3ème trimestre 1997.
Soyons lucides: nous ne sommes pas des historiens. La plupart d'entre-nous, sinon la totalité, ne possède pas d'emblée la formation historique nécessaire. Ce n'est que par la fréquentation prolongée des salles de lecture de services d'archives que chacun de nous se forme à la recherche. Mais, pour reprendre la comparaison avec la musique, il n'est pas interdit à l'amateur de s'offrir la joie de tenir l'archet d'un violon, même s'il sait encore écouter et apprécier le jeu d'un virtuose.
Il nous arrive parfois de douter. Débutant comme chevronné, le chercheur se heurte parfois à une difficulté qui lui paraît insurmontable. Il envie alors ce qu'il croit être la certitude et la facilité du professionnel. Amis amateurs, soyez rassurés. Je ne sais pas si cela vous consolera de vos difficultés, mais sachez que l'historien professionnel se heurte lui aussi aux textes indéchiffrables, aux longs dépouillements vains, aux déplacements interminables à l'autre bout de la France ou du monde. Et puis, même si notre travail de recherche n'est pas parfait (et il ne peut l'être), l'essentiel est que ce travail lui même, et non pas seulement son résultat, nous ait apporté du plaisir.
Ce résultat, par ailleurs, est-il toujours aussi modeste ? Il en est des monographies familiales comme des monographies de villages rédigées par des amateurs: l'historien y puise souvent. Certes son analyse sera plus pertinente que celle de l'amateur, le professionnel seul saura intégrer les données recueillies dans des synthèses plus vastes. Mais l'amateur lui aura fourni la matière brute, la glaise d'où émergera la sculpture.
Alors ne boudons plus notre plaisir: Ingres, lui aussi, jouait du violon !
Michel GUIGAL